Au CH Capesterre Belle-Eau, l'hopital public fait baisser la tension avec la QVCT

Béatrice Sarazin, Anact
29 mai 2020

A la Guadeloupe, le Centre hospitalier Capesterre Belle-Eau a connu en 2017 une double transformation : un déménagement et l’intégration d’une nouvelle activité́ d’EHPAD de 102 lits... Pas une mince affaire ! Ce projet ambitieux génère de nombreuses tensions. La démarche QVCT a permis de les apaiser dans un processus largement participatif.

CH Capesterre Belle-Eau

 

Le Centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau est un établissement public de 60 lits en suite de soins et de réadaptation. A l’occasion de son déménagement en 2017, l’hôpital intègre un volet médico-social avec l’ouverture d’un EHPAD de 102 lits. Au-delà̀ de l’amélioration des conditions matérielles qu’entraine ce changement de locaux, c’est la création de nouveaux services qui bouleverse considérablement l’activité́ médicale, avec l’intégration importante de nouveaux personnels.

Un conflit social démarre sur la question des conditions de travail, bien que prises en compte lors du déménagement de 2017. La démarche QVT est donc l’occasion de faire baisser la tension et d’apaiser le dialogue social tendu. Objectifs partagés par la direction et les organisations syndicales : comprendre les nouveaux besoins, attentes et difficultés des nouveaux arrivants et outiller les cadres dans leurs pratiques managériales.

Qu’ont-ils fait ?

La démarche est initiée par Fabienne Francillette, la responsable qualité et gestion des risques, avec le soutien total de la direction. Les instances représentatives (CHSCT et CT) y sont associées dès les premières rencontres internes.

Un diagnostic alliant enquête et analyse des situations de travail est lancé sous l’impulsion d’un comité́ de pilotage qui intègre 13 participants et le médecin du travail. Il aura ensuite mission de déployer un plan d’actions. Pour réaliser ce diagnostic et construire des propositions d’amélioration des situations de travail de manière participative, des espaces de discussion sur le travail sont mis en place.
Animés par les membres du comité de pilotage formés spécifiquement, ils vont permettre de mobiliser quelques 115 participants sur les 150 agents que compte l’hôpital. Une proportion importante permettant d’associer tous les services et tous les métiers. Par exemple, l’aménagement des cuisines et l’adaptation du matériel sont en général les oubliés des réaménagements. De nouveaux équipements avaient été commandés au cours du déménagement.

Mais personne n’avait intégré leurs dimensions dans le nouvel environnement physique. Le personnel de cuisine était ainsi contraint de sortir les repas de la cuisine manuellement pour les loger ensuite sur les chariots de transport qui ne passaient pas les portes. Des aménagements du circuit de production ont permis de résoudre cette difficulté. Le management est lui aussi impliqué et invité à signer une charte des valeurs managériales. L’encadrement évalue très positivement l’utilité de cette charte, notamment au regard de la concertation établie dans les services et de l’implication grandissante des équipes dans la proposition de solutions. Par ailleurs, un nouveau format de discussion sur le travail, inspiré des espaces de discussion est expérimenté : le « stand-up meeting » sur l’idée qu’un problème soulevé trouve sa solution pratique.

C’est le secteur soin qui l’expérimente avec la gestion des “entrées-sorties patients“ et la coordination des différents corps de métier. C’est sur la base de propositions faites par les personnels réunis autour d’un tableau blanc mis à disposition, et de l’expression des contraintes listées de chacun, qu’une organisation et une répartition des tâches simplifiée sont mises en place (check-list, plages horaires, circuit de communication ...).

Encadré

Avec quels leviers ?

La démarche QVCT est donc bien lancée et fonctionne de manière vertueuse. Point clé de la réussite : le portage de la direction qui a souhaité une implication totale de son encadrement. La coopération transversale instaurée à travers le comité de pilotage pluridisciplinaire et les relais efficaces dans les services rendent la démarche fluide et constructive. Un autre levier important est celui du trinôme participant au cluster qui impose d’avancer en croisant des regards pluri-professionnels. Une bonne expression des salariés est enfin une des clés de réussite de la démarche, permettant des expérimentations qui répondent réellement aux besoins des agents, au plus près de leurs préoccupations quotidiennes. Si la méthode choisie mobilise les personnels, c’est un investissement qui n’a pas de prix en termes d’efficacité sur le long terme et d’appropriation d’une démarche au long cours remobilisable en tant que de besoins. C’est-à-dire régulièrement, comme dans toute organisation vivante.

Pour quels effets ?

Du point de vue des enjeux initiaux d’apaisement du climat social, le pari est gagné : le dialogue social est relancé autour d’objets de discussion objectivés et partagés. Le nouveau syndicat élu sera d’ailleurs prochainement intégré au comité de pilotage. Les espaces de discussion sur l’intégration du personnel dans les nouveaux locaux ont permis d’identifier les attentes latentes. Celles-ci étaient jusqu’alors masquées par des revendications portant uniquement sur les conditions matérielles de travail, plus visibles dans le contexte de déménagement. Autre effet peut-être plus inattendu : ces espaces ont permis un échange entre nouveaux et anciens, avec un effet bénéfique sur les systèmes d’entraide quotidiens constatés par les cadres.

Une journée des nouveaux arrivants est d’ailleurs instaurée pour permettre une valorisation des savoirs par les anciens, une transmission de l’historique de l’établissement et la création d’un maillage « ancien-nouveau ». Cette rencontre impulsée par la direction a connu un fort succès en 2018 et sera reconduite en 2019 par les salariés de la 1ère vague.

L’encadrement n’est pas en reste : il a intégré une posture d’écoute et d’échange avec les personnels. Et avec la charte, s’est senti tout autant porteur de la démarche, comme la direction le souhaitait. Un pas de côté collectif qui trace une nouvelle voie.

 

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Ce retour d’expérience sur une démarche QVCT dans un établissement public est issu d’un livret publié par l’Anact à l’été 2019 « Soigner la qualité de vie au travail dans les établissements de santé et médico-sociaux ». Edité dans la collection "Récits d'action & enseignements", ce livret propose deux autres retours de terrain concernant des établissements de soins. L’ensemble est complété par un travail de décryptage sur les démarches QVCT dans le secteur de la santé. [Télécharger le livret]