Comprendre

La QVCT dans la Fonction Publique Hospitalière

Chapô

Dans les secteurs du sanitaire et du médico-social, l’amélioration des conditions de travail est devenue un enjeu crucial. L’approche par la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) permet de faire le lien, d’une part, avec la qualité des soins, et d’autre part, avec l’attractivité dans un contexte d’absentéisme et de pénurie du personnel soignant.

Corps
Infirmiere

Répartis au sein de 4.500 établissements, 1,2 million de personnes travaillent dans la fonction publique hospitalière. Ces emplois regroupent des fonctionnaires et agents contractuels, des personnels médicaux relevant du code de la santé publique ou encore des salariés de droit privé.

Leur mission se déploie pour 88% d’entre eux dans les établissements publics de santé, tels les centres hospitaliers (régionaux et universitaires). Les 12% restant interviennent dans des établissements publics sociaux et médico-sociaux.

Un contexte de réformes et de profondes transformations

Les établissements de santé sont confrontés depuis quelques décennies à une succession de réformes et d’innovations organisationnelles, qui se sont accélérées depuis le début des années 2000. Ces évolutions s’accompagnent de nouvelles responsabilités et exigences de qualité : droit aux soins de référence, sécurité des soins, hygiène, qualité (douleur, soins palliatifs...), devoir d’information, nouvelles technologies, etc.

Ces différentes réformes ont pu générer chez les soignants une impression de lourdeur réglementaire qui peut empêcher un travail de qualité. En outre, ces réformes ne font pas toujours sens aux yeux des acteurs sur le terrain. Elles viennent bousculer les organisations du travail en place, et peuvent se traduire par des transformations très concrètes dans les établissements de santé :

  • fusions, regroupements de service, déménagements, mutualisation, GHT… ;
  • introduction de nouvelles technologies, développement des processus et outils numériques ;
  • changements de stratégie et d’organisation des soins : virage ambulatoire, gérontologie, etc ;
  • développement de processus de gestion, certifications.

Ces changements ont des conséquences importantes sur le travail et ses conditions de réalisation : intensification, réduction des temps de concertation, diminution des possibilités de régulation quotidienne, dégradation des relations aux patients, tensions dans les rapports au travail (questions du sens du travail, « procédurisation » des activités…). Ils renforcent les contraintes spécifiques au milieu hospitalier : travail posté, travail de nuit et du week-end, contraintes physiques, relation avec le public, charge mentale et émotionnelle. Ils impactent également les attentes des agents, notamment l’équilibre vie professionnelle/vie privée.

Ces difficultés s’observent au travers d’indicateurs sociaux qui alertent : absentéisme, souhait de départ, turn-over des personnels.

De la prévention des risques professionnels à la promotion de la QVCT

Dans ce contexte de transformation, la prévention des risques professionnels et la promotion de la qualité de vie et des conditions de travail sont devenus des objets de négociation à part entière. Plusieurs accords ont ainsi été signés à partir de 2009 pour favoriser la prise en charge et le traitement des risques professionnels.

Sur le thème de la QVCT, les partenaires sociaux en sont restés au stade de projet. Néanmoins, la négociation menée sur 2014-2015 a pour mérite de baliser le terrain : « La notion de qualité de vie au travail renvoie à des éléments multiples, qui touchent les agents individuellement comme collectivement et permettent, à travers le choix des modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail, de concilier la qualité des conditions de vie et de travail des agents et la qualité du service public. L’amélioration de la qualité de vie au travail est une démarche qui regroupe toutes les actions permettant d’assurer cette conciliation. Il s’agit d’un processus social concerté permettant d’agir sur le travail (contenu, organisation, conditions, contexte) à des fins de développement des personnes et des services ».

Une stratégie nationale d’amélioration de la QVCT   

Présentée par la ministre Marisol Touraine en décembre 2016, la stratégie nationale d’amélioration de la QVCT des professionnels de santé a mis en exergue le lien entre conditions de travail et qualité des soins. S’inscrivant dans le long terme, sans donner de mesures clés en mains, elle visait à permettre aux acteurs de décider des actions adaptées à leurs réalités quotidiennes. Elle cherchait aussi à prendre en considération la souffrance des professionnels de santé : « prendre soin de ceux qui nous soignent ».

L’ambition de cette stratégie est de s’adresser à tous les professionnels de santé et à tous les modes d’exercice. Une dizaine d’axes prioritaires y sont développés, dont un observatoire, la formation continue et initiale qui doit intégrer la QVCT, ou l’incitation à la généralisation d’équipe pluridisciplinaires au sein des services de santé au travail des établissements ainsi qu’à l’échelle des Groupements Hospitaliers de Territoire.

En 2018, c’est vers les établissements médico-sociaux que l’attention se porte plus particulièrement. Un dispositif porté par la DGCS du ministère de la Santé est destiné à favoriser la qualité de vie au travail dans les EHPAD et les établissements pour personnes handicapées. Une instruction adressée aux directeurs généraux des ARS leur demande ainsi de "veiller à ce que, dans chacune de vos régions, les gestionnaires d'établissements considèrent la qualité de vie au travail comme un facteur clé d'amélioration de la performance et de la qualité de l'accompagnement".

Un accompagnement des établissements en mode « clusters sociaux »

Depuis 2015, dans le cadre de cette stratégie nationale et sous l’impulsion d’acteurs tels que la HAS, la DGOS, la DGCS ou encore les ARS, le réseau Anact-Aract a été mobilité pour accompagner des établissements du secteur sur leurs démarches QVCT avec la modalité dite des « Cluster sociaux ».

Cette méthodologie d’accompagnement se caractérise par la création d’une grappe d’établissements (les « cluster ») regroupant 5 à 8 structures, représentée chacune par une équipe de 3 référents. Dénommé « trinôme », celle-ci est composée d’un représentant de la direction, d’un représentant du personnel et d’un représentant métier du corps médical ou médico-social.

L’accompagnement proposé alterne des temps de travail rassemblant l’ensemble des participants avec des séquences de suivis individualisés. Les clusters permettent ainsi de mobiliser un plus grand nombre de structures et de générer sur un territoire, par la dynamique collective, des effets plus importants et plus durables que les seuls dispositifs d’accompagnement individuel.

L’enjeu est alors d’élaborer des plans d’actions améliorant les conditions de travail des salariés pour améliorer la qualité du service rendu et la performance des établissements. C’est aussi permettre l’échange entre professionnels pour parfois rompre l’isolement et, souvent, identifier les bonnes pratiques.

Mis en œuvre auprès de 169 établissements de santé publics et privés entre 2015 et 2018, des clusters sont aujourd’hui déployés dans plusieurs centaines d'établissements pour personnes âgées et handicapées. A partir de ces terrains, des points d’attention et d’amélioration ont été identifiés par les intervenants du réseau Anact-Aract :

  • la prise en compte du travail dès la conception dans les nouveaux projets ;
  • les échanges entre tous les professionnels, l’expression des agents et leur participation ;
  • le décloisonnement des thématiques et des acteurs ;
  • le management, avec l’intérêt d’aller vers un management plus participatif ;
  • la nécessité de piloter autrement la performance en intégrant des critères de qualité du travail en lien avec des critères de qualité du service rendu.

L’expérience montre également que la possibilité qu’ont eu les personnels de santé de pouvoir s’exprimer sur les problèmes qu’ils jugeaient, de leur point de vue, importants, a été une condition essentielle pour la réussite de la démarche.

 

Ressources vidéo

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