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La QVCT, brève histoire d’un concept

Chapô

La qualité de vie et des conditions de travail est une innovation récente dans le paysage des relations socio-professionnelles françaises. Pour autant, elle est, chez nous comme à l'étranger, le fruit d'un long cheminement des acteurs et des organisations. Bref retour sur l'histoire d'un concept...

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On retrouve les fondements du concept de qualité de vie au travail (QVT) dans les années 50, chez Eric Trist, du Tavistock Institute de Londres, dans le cadre de recherches mettant à jour les limites du taylorisme : monotonie, déqualification, sentiment d’aliénation, impacts négatifs sur la productivité, etc.

Ces travaux mettent en évidence que l’efficacité au travail est intimement liée à la QVT, et que ce lien dépend d’abord de l’organisation du travail et des méthodes de production. Plus particulièrement, Trist pointe l’importance du collectif de travail et de son autonomie, dans sa fonction de soutien aux individus aux plans psychologique et productif. Autrement dit, la QVT prend sa source dans la capacité de l’entreprise à articuler convenablement les dimensions humaines, sociales et techniques du travail.

Sur ces fondements, deux courants émergeront : l’un aux USA et l’autre en Europe, plus particulièrement dans les pays scandinaves.

Le concept de QVT émerge aux Etats-Unis

Aux USA, dans les années 60, et à la suite des travaux de Maslow et de Mc Grégor sur les « besoins » et les « facteurs de motivation » des salariés, Herzberg place au cœur de son analyse l’idée d’intégrer ces facteurs dans la situation réelle de travail : enrichissement et élargissement des tâches, importance d’un travail valorisant… Il souligne l’importance de ne pas limiter les politiques RH aux facteurs « extrinsèques » de motivation (rémunération, environnement matériel…).

Le terme QVT est mentionné pour la première fois en 1972 lors d’une conférence à New York, où un groupe de chercheurs est constitué pour en donner une définition trois ans plus tard (Davis et Cherns). A la même période, émerge l’intérêt pour la santé psychologique au travail. Les premières recherches sont lancées sur les phénomènes de stress, puis de burn out (épuisement professionnel), en essayant d’appréhender leurs causes organisationnelles (Karasek, Lawler).

Toujours aux Etats-Unis, des auteurs comme Hackman et Oldham définissent dans les années 80 la QVT comme l’articulation entre les besoins des salariés et le contenu du travail (autonomie, sens du travail, variété…), qui assure à la fois le bien-être et l’efficacité productive. Poussant encore l’argument, des auteurs (Beukema) définissent la QVCT comme le pouvoir exercé par le salarié dans la conception de son poste de travail. 

Une approche scandinave de la QVT

Le monde anglo-saxon inscrit donc plutôt la QVT dans une perspective individuelle, intégrant les dimensions organisationnelles du poste de travail et de la santé au travail. Du coté des pays scandinaves, les travaux du National Institute of Working Life de Suède mettent plutôt sur l’importance du collectif (équipe semi autonome) et la participation des salariés. Une participation non seulement aux décisions touchant son activité, mais aussi à celles des orientations stratégiques de l’entreprise via leurs représentants ou directement (démocratie industrielle).

Dans la pratique, la participation des salariés aux décisions peut prendre différentes formes : consultation, concertation, voire même co-détermination dans le cadre d’un compromis social où l’Etat laisse les partenaires sociaux élaborer eux-mêmes les compromis socio-productifs.

Une voie française pour la QVT puis la QVCT

Le cheminement français vers la Qualité de vie au travail suit grosso modo sur un demi-siècle celui des pays scandinaves et anglo-saxons : d’abord une critique marquée du taylorisme, puis la montée en puissance de l’approche sociotechnique et la prise en charge des grands risques professionnels.

Mais c’est l’émergence au tournant des années 2000 des questions de santé mentale et la nécessaire prise en charge des « nouveaux risques » multicausaux et à effets différés (RPS, TMS, CRM) qui va accélérer la prise de conscience sur les limites d’une approche cantonnée aux seuls risques.

Le terme QVT apparait dans des accords d’entreprises. Puis dans l’accord national interprofessionnel de juin 2013, avec une définition commune des partenaires sociaux : les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte.

Un nouvel ANI "Pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail" est signé le 9 décembre 2020 et prend le relai. Les termes « conditions de travail » sont ajoutés à l’intitulé QVT afin de lever toute ambigüité :  c’est bien l’amélioration du travail et des conditions dans lesquelles il est réalisé qui doit être au cœur des démarches QVCT.

 

 

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