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ETAPE 3 : Expérimentation et évaluation embarquée

Etape 3
Expérimentation et évaluation embarquée

L’expérimentation est au cœur de la démarche QVCT. Une fois le diagnostic posé, elle est le lieu de construction de solutions par la pratique et l’expérience. Il s’agit alors de s’engager dans un processus d’amélioration continue de l’organisation impliquant les agents concernés, les managers et les instances représentatives du personnel. Ce processus a même vocation, à terme, à s’inscrire dans la pratique habituelle des services et à concerner l’ensemble des équipes.

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L’expérimentation représente une opportunité pour engager un véritable travail de prévention primaire en agissant sur les causes socio-organisationnelles. Dans cette logique, l’expérimentation peut se déployer sur trois axes :

  • les projets en cours ou qui vont débuter, identifiés durant le cadrage ou le diagnostic (exemples : organisation de l’accueil au public, modification de l’organisation liée à l’introduction d’un nouveau service ou d’une nouvelle technologie…).
  • les résultats de la phase de diagnostic qui a permis d’identifier les difficultés et axes d’amélioration de l’organisation (régulation de la charge de travail, prévention de l’absentéisme, amélioration des relations collectives de travail…).
  • les projets d’initiative locale identifiables en amont de la phase d’expérimentation (exemple : une unité souhaite expérimenter le télétravail).

Comme nous le verrons plus loin, l’expérimentation mobilise particulièrement deux méthodes structurantes de la QVCT, l’évaluation embarquée et l’Espace de discussion sur le travail.

Au-delà de la résolution de certains dysfonctionnements ou de la réussite de projets contribuant à une plus grande qualité de vie au travail, cette étape doit aider les parties prenantes de la démarche QVCT à instiller une culture de l’expérimentation au sein de l’institution. Plus globalement, l’ambition est de créer les conditions pour « penser QVCT » dès qu’une transformation est initiée au sein de l’organisation.

1.    Les objectifs de l’expérimentation

Le recours à l’expérimentation répond à plusieurs objectifs :

Explorer de nouvelles façons de travailler.

Un nouveau fonctionnement peut être recherché lorsque les façons existantes de travailler sont devenues inadaptées ou peu satisfaisantes, du point de vue de la qualité du service rendu et des conditions d’emploi et de travail. L’expérimentation est ainsi un espace de recherche et de construction de solutions par la pratique et l’expérience. Les actions mises en place ont vocation à s’inscrire dans les usages habituels des services  

Sécuriser et valider le déploiement de ces nouvelles solutions.

Il s’agit de rendre visibles auprès des agents les effets du nouveau fonctionnement, afin de permettre ajustements et améliorations. Ainsi, la prise de risque est mesurée et partagée.

Dans ce sens, l’expérimentation représente une aide supplémentaire pour décider des choix socio-techniques et organisationnels au sein des organisations en prenant en compte les différentes dimensions des changements (économique, technique, métier, social & santé).

Plus largement, elle permet d’inscrire la QVCT dans les pratiques quotidiennes des agents par un apprentissage collectif et de se rendre compte de son bien-fondé par des actions en prévention primaire.

2.    Les principes de l’expérimentation

Schema_etape3Pour atteindre ses objectifs, cette étape d’expérimentation repose sur la combinaison de plusieurs principes méthodologiques.

Un travail en mode « pilote »

L’expérimentation permet de tester à petite échelle (chantier pilote, service, unité, site, etc.) un nouveau fonctionnement sur une période de temps définie.

Il y a donc un caractère de réversibilité partielle ou complète de ce qui est expérimenté. Sur ce point, les conditions de réversibilité (périmètre déterminé) doivent être clairement posées au lancement de l’expérimentation afin d’éviter toute incompréhension et démobilisation des acteurs.

 

FPT - Mairie

FPH - Ehpad FPE

Les 3 fils rouges de la QVCT ...

 

 

Exemples concrets de la réversibilité

Un accroissement des plages horaires d’ouverture aux usagers est testé sur 4 jours. Au terme de l’expérimentation, l’accroissement proposé n’est conservé que sur 2 jours car les flux d’usagers sont trop réduits pour maintenir l’ouverture supplémentaire sur les 2 autres jours.


Au final, ce sont 2 heures supplémentaires d’ouverture proposées au public par semaine par rapport à la situation initiale.

Un parcours d’intégration type est testé.


Après 2 semaines d’essai, les soignants ont constaté qu’il était trop long et devait être davantage modulé selon le profil du nouvel entrant ou du remplaçant. Il est ajusté en conséquence.

 

 

Fil rouge FPE
en cours d'élaboration ...

Une évaluation au plus près du travail

Le nouveau fonctionnement expérimenté va modifier le travail quotidien des agents concernés (agents et management de proximité). Ces derniers sont les mieux placés pour expliquer les améliorations apportées, comme les contraintes nouvelles induites par le projet ou l’action expérimentée.
Ils apportent donc un double point de vue indispensable : celui de l’expert qui connaît le travail et celui de « testeur » qui éprouve le changement et ses effets. L’évaluation s’appuie alors sur la réalité des situations de travail impactées par les agents.

Une mobilisation des acteurs concernés

Il s’agit de s’engager dans un processus « d’amélioration continue » de l’organisation qui implique les agents concernés, la ligne hiérarchique et les instances représentatives du personnel. A terme, c’est l’ensemble des équipes qui sera concerné.

Concrètement, il importe de prévoir que les expérimentations soient réalisées au plus près du terrain et que leurs résultats soient évalués par des agents impliqués par la transformation en cours ou la situation de travail concernée. Ceux-ci, opérateurs, managers, concepteurs, experts internes, sont organisés en groupes de travail.

Les résultats doivent ensuite être partagés. Avec les représentants du personnel, la DRH, et la ligne managériale concernée. Mais également avec les « chefs de projets » et les concepteurs, ceux qui conçoivent les dispositifs gestionnaires et techniques expérimentés : Direction des systèmes informatiques, direction des achats, finance, etc.

Une évaluation « au fil de l’eau » de ce qui est expérimenté

L’évaluation s’appuie sur un processus « essai - erreur - ajustement » sur la durée de l’expérimentation. Elle est ainsi « embarquée » car elle se réalise en temps réel, au moment de l’expérimentation. Au fur et à mesure de la mise en œuvre d’un nouveau fonctionnement (exemple : nouvelle répartition des tâches, modification du contenu du travail réalisé, nouveaux horaires de travail, nouvel outil utilisé…), celui-ci va être testé et évalué. Des propositions d’ajustements doivent être possibles.

C’est la méthodologie dite d’évaluation embarquée qui est mobilisée afin de répondre à ce principe.

Schema_experimentation

3. Le déroulement de l’expérimentation

Pour réaliser l’expérimentation dans de bonnes conditions et notamment favoriser l’implication des agents, il est important de bien organiser cette étape.

Le tableau suivant apporte des précisions sur les attendus et les contributeurs de chaque étape de l’évaluation embarquée mise en place lors de l’expérimentation.

Etape Qui Quoi

1
Définir le périmètre

Comité QVCT

Préciser les dimensions suivantes :

  • Ce qui doit être évalué (unité, un projet ou un bout de projet, un processus… ou une combinaison de ces dimensions).
  • Le planning
  • Les livrables attendus

2
Analyser le nouveau fonctionnement testé

Groupes de travail

Caractériser les activités à évaluer

Recueillir et analyser les informations sur l’évolution des situations de travail et leurs impacts : expérience des agents, observation, mesures et/ou indicateurs…

3
 Évaluer les résultats

Membres du ou des groupes de travail

Évaluer : analyser les effets, l’atteinte des objectifs (par exemple : la nouvelle organisation de l’accueil apporte t’elle l’efficacité et l’autonomie attendues ?), analyser les écarts ….

Recommander des solutions d’amélioration

4
Procéder aux ajustements

Groupes de travail
&
 Comité QVCT

Partage des recommandations

Arbitrage et choix des ajustements à opérer (Scénarii)

A noter : Arbitrage par le seul Comité QVCT si délégation pour prise de décision sinon validation complémentaire par la Direction voire Instances représentatives du personnel.

Mise en œuvre et suivi des modifications

BONNES PRATIQUES | Si le groupe de travail considère que le projet de réaménagement du service d’accueil va augmenter, par exemple, le risque de morcellement du travail et la charge de travail des agents, il doit démontrer ses dires avec des données quantitatives ou qualitatives et, donc, enquêter. Il convient donc d’élaborer des modalités d’investigation adaptées : documents, visites sur le terrain, entretiens avec des agents, leurs managers, le service de prévention. Procéder à des illustrations de ces analyses (graphiques par exemple) peut en faciliter la compréhension. La production de tableaux Excel, de graphiques ou encore de photos facilitera l’analyse collective.  L’exploitation des données et l’usage qui en est fait doivent être clairement partagés.

 

 

Exemple de fiche utilisable pour définir le périmètre et les modalités de mise en œuvre et de communication de l’expérimentation.

OUTILS | Fiche pratique expérimentation

 

 

 

 

 

L’expérimentation des espaces de discussion sur le travail

Les Espaces de discussion sur le travail (EDD ou EDT) sont des espaces collectifs qui permettent une discussion centrée sur l’expérience de travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes etc. Cette discussion se déroule dans un cadre et suivant des règles co-construits avec les parties prenantes.

Ces espaces, inscrits dans l’organisation du travail, visent à produire des propositions d’amélioration ou des décisions concrètes sur la façon de travailler.

Les EDT sont une composante méthodologique essentielle d’une démarche QVCT, telle que voulue par les partenaires sociaux dans l'ANI de 2013. A ce titre, sauf s’ils ont été introduits dès la phase d’état des lieux, ils sont souvent l’objet de la première expérimentation, en tant que méthode de travail à apprendre et à intégrer de façon pérenne dans le fonctionnement de la structure.

OUTILS | La méthodologie complète pour mettre en oeuvre les EDT dans ma structure

 

ETAPE DE L'EXPÉRIMENTATION : LES CONDITIONS DE RÉUSSITE

Adopter une posture bienveillante pour l’ensemble des parties prenantes

Expérimenter signifie en pratique s’exposer au risque de voir les actions et projets engagés ne pas aboutir, ou n’aboutir que partiellement. Expérimentation et droit à l’erreur sont donc intimement liés.

Les acteurs du dispositif doivent donc pouvoir s’appuyer sur ce postulat d’absence de préjugés et de bienveillance réciproque entre les parties prenantes. C’est une condition indispensable pour que l’éventuelle erreur ne soit pas vu comme un échec mais comme une source d’apprentissage.

Cette posture bienveillante est enfin une condition nécessaire pour que les acteurs acceptent de requestionner, voire de remettre en cause, certaines de leurs pratiques et positionnement pouvant parfois être bousculés par l’entrée participative et évaluative.

Intégrer l’expérimentation dans l’ingénierie de conduite du changement

On l’a vu, l’expérimentation est une étape qui s’insère dans le processus de conduite du changement, que ce soit à l’occasion d’un projet de transformation ou bien de la mise en place d’une action d’amélioration du fonctionnement.

Dans le même temps, l’expérimentation nécessite a minima une préparation et une organisation. Il s’agit de s’assurer qu’un temps et des moyens dédiés seront alloués : disponibilité des participants, disponibilité des acteurs du comité QVCT, articulation avec l’équipe projet le cas échéant, articulation entre le planning de la transformation et l’expérimentation …

Ces précautions sont essentielles pour que l’expérimentation se réalise dans de bonnes conditions. Dans le cas contraire, le risque existe que l’expérimentation n’ait qu’une valeur ajoutée limitée ou bien qu’elle n’ait pas lieu du tout.

Articuler la méthode avec les instances représentatives et le dialogue social existants

L’expérimentation consiste à mettre en œuvre des modifications qui peuvent potentiellement impacter les conditions de travail des agents. Dans ce cas, même si la réversibilité est actée en interne, les instances représentatives du personnel (en particulier le CHSCT) doivent être consultées sur ces transformations.

D’abord parce que, si l’expérimentation contribue à sécuriser le déploiement des changements du point de vue des conditions de travail, elle n’exclue pas la mise en œuvre de l’obligation réglementaire de consultation du CHSCT pour avis.

Ensuite, parce qu’il est essentiel de penser l’articulation, en particulier lors de cette étape d’expérimentation, entre le déroulement de la démarche QVCT et le calendrier des instances (en particulier le CHSCT). Il faudra donc prévoir des temps d’information et surtout de consultation.  

Enfin, parce que compte-tenu de l’implication des représentants du personnel tout au long de la démarche QVCT (membres Comité QVCT) et de la prise en compte du travail dans toutes les réflexions menées, l’exercice d’information-consultation ne peut qu’enrichir la qualité des changements et plus globalement du dialogue social.

Communiquer vers l’ensemble des agents

Cette étape ne concernera directement qu’une partie des salariés : ceux impliqués par l’expérimentation. Néanmoins, il est important pour maintenir la dynamique engagée dès l’étape de cadrage [lien] de maintenir informé l’ensemble des agents de l’institution (selon le niveau pertinent à préciser).

La communication doit porter à la fois sur les objectifs visés, sur ce qui a été réalisé (étapes, périmètre, méthodes…), mais aussi sur les résultats obtenus (modifications par rapport au projet initial, effets positifs déjà perçus).

Le management doit être un destinataire privilégié de cette communication, afin de jouer son rôle de relai du changement vers les équipes.

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